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Installations PV en zone agricole : le cadre réglementaire

Agri-PV über Erdbeerfeld

La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies (dite loi APER), encadre la production d’électricité d’origine solaire en zone agricole.

La loi APER fait une nette distinction entre les installations agrivoltaïques, qui, seules, pourront être implantées sur les terrains agricoles exploités ou susceptibles de l’être, et les installations photovoltaïques dites « compatibles » avec une activité agricole, lesquelles ne pourront être implantées que sur des sols incultes ou non exploités.

Le décret relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers a été publié au Journal Officiel le 9 avril 2024 (décret n° 2024-318 du 8 avril 2024).

Avant de définir le régime propre à chacune, voici quelques dispositions communes aux installations agrivoltaïques et « agri-compatibles » :

  • Le décret prévoit une durée d’exploitation maximale de 40 ans, avec une possibilité de prorogation à titre dérogatoire pour 10 ans si le rendement de l’installation demeure significatif (article R. 111-62 du Code de l’urbanisme).
  • Elles doivent présenter des caractéristiques garantissant leur réversibilité (article L. 111-32 du Code de l’urbanisme).
  • Leur mise en œuvre peut être subordonnée à la constitution de garanties financières, notamment quand la sensibilité du terrain d’implantation ou l’importance du projet le justifie ; ces garanties prennent la forme d’une consignation selon le décret, donc le barème est fixé par l’arrêté d’autorisation d’urbanisme, et elles ne concernent pas en revanche les installations sur bâtiments (article R. 111-64 du Code de l’urbanisme).

Les installations agrivoltaïques

L’installation agrivoltaïque doit impérativement contribuer durablement au développement ou au maintien d’une production agricole (article L. 314-36 du Code de l’énergie, Lien) : c’est sa principale caractéristique, qui se décline par une série d’obligations.

C’est ce qui justifie que l’installation doit :

  • Garantir une production agricole significative ;
  • Garantir un revenu agricole « durable » à un agriculteur actif ou à une exploitation agricole à vocation pédagogique ;
  • Apporter au moins un service directement à la parcelle agricole (articles L. 314-36, II du Code de l’énergie) ;

et qu’inversement, elle perdra sa qualification d’agrivoltaïque si elle :

  • porte une atteinte substantielle à l’un des services détaillés ci-après ou une atteinte limitée à deux de ces services (article L. 314-36, III du Code de l’énergie) ;
  • n’est pas réversible (article L. 314-36, IV, 2° du Code de l’énergie) ;
  • ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale (article L. 314-36, IV, 1° du Code de l’énergie) ;

A contrario, cela signifie que l’installation agrivoltaïque doit :

  • consacrer maximum 10 % de sa superficie totale pour ses voies, ses bâtiments et ses locaux techniques sur le site (article R. 314-118, I, 1° du Code de l’énergie) ;
  • avoir une hauteur et un espacement inter-rangées qui intègrent l’usage de l’exploitation (laisser passer les bêtes, les tracteurs, …) (article R. 314-118, I, 2° du Code de l’énergie) ;
  • respecter un taux de couverture maximal de la parcelle agricole. D’après le décret, il est question que ce taux de couverture maximal soit fixé par arrêté ministériel en cas de « technologie éprouvée » - que l’arrêté ministériel listerait (article R. 314-119 du Code de l’énergie) ou, pour les technologies de plus de 10 MW non couvertes par cet arrêté, égal à 40 % (article R. 314-118, II du Code de l’énergie). Faute de précision les concernant, les installations de moins de 10 MW usant de technologies non couvertes par cet arrêté ne seraient pas soumises à un taux de couverture maximal.

Par ailleurs, les serres, les hangars, et les ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques doivent eux-mêmes répondre à une nécessité liée à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière pour que l’installation puisse être qualifiée d’agrivoltaïque (art. L. 111-28 du Code de l’urbanisme).

Comment savoir si la production agricole reste significative ?

Le caractère significatif de la production agricole est déterminé de 2 manières différentes :

1. Pour les technologies non listées par arrêté ministériel, hors installation sur élevage et sur serre, le caractère significatif de la production agricole sera déterminé grâce à une zone témoin ou un référentiel en faisant office (article R. 314-114, I du Code de l’énergie).

Une zone témoin doit selon le décret respecter plusieurs conditions, à savoir (i) représenter une superficie d’au moins 5 % de la « surface agrivoltaïque installée », dans la limite de 1 hectare, (ii) être située à proximité de l’installation agrivoltaïque, (iii) ne comporter ni installation équipée de modules photovoltaïques ni installation ou arbre apportant de l’ombre, (iv) connaître des conditions pédoclimatiques équivalentes et (v) être cultivée dans les mêmes conditions que la parcelle sur laquelle est située l’installation agrivoltaïque (article R. 314-114, II du Code de l’énergie).

Dans ce cas, la production agricole est significative :

  • si le rendement moyen par hectare de la parcelle n’est pas inférieur de plus de 10 % au rendement moyen par hectare de la zone témoin ou du référentiel en faisant office,
  • ou si le rendement est inférieur à ce seuil mais justifié par des événements imprévisibles,
  • ou si le rendement est inférieur à ce seuil mais l’installation agrivoltaïque permet une amélioration significative et démontrable de la qualité de la production agricole (article R. 314-114, I du Code de l’énergie).

Il sera donc recommandé de collecter et conserver des données historiques à l’échelle de l’exploitation agricole et de la petite région agricole ou, à défaut, à l’échelle départementale.

2. Le caractère significatif de la production agricole est déterminé sans zone témoin pour :

(a) Les technologies agrivoltaïques éprouvées listées par arrêté ministériel : les données recueillies par l'Agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie font alors office de référentiel pour l'appréciation du caractère significatif de la production agricole (article R. 314-115, 3° du Code de l’énergie).

NB : Les appels à projets « innovation » étant déjà organisés et suivis par l’ADEME, ils seront probablement une source d’inspiration pour définir et lister les « technologies agrivoltaïques éprouvées ».

(b) Les installations dont le taux de couverture est inférieur à 40 % et s’il y a une incapacité technique à mettre en place une zone témoin :

Dans ce cas, sur décision dérogatoire du préfet, un référentiel local doit être utilisé, basé sur les résultats agronomiques et les séries de données historiques disponibles (article R. 314-115, 1° du Code de l’énergie).

La production agricole est significative si le rendement moyen par hectare de la parcelle n’est pas inférieur de plus de 10 % au rendement du référentiel choisi, ou sur demande dûment justifiée en cas d’événements imprévisibles ou si l’installation agrivoltaïque permet une amélioration significative et démontrable de la qualité de la production agricole.

(c) Les installations dont le taux de couverture est inférieur à 40 % et si l’exploitant justifie de l’existence d’une installation agrivoltaïque similaire au niveau départemental et comportant une zone témoin ou au niveau régional, comportant une zone témoin et connaissant des conditions pédoclimatiques équivalentes (article R. 314-115, 2° du Code de l’énergie).

(d) Les installations sur élevage et sur serre : le caractère significatif de l'activité agricole est apprécié, pour les installations sur élevage, par rapport à un référentiel local basé sur les résultats agronomiques et les séries de données historiques disponibles, et pour les installations sur serre, au regard du volume de biomasse fourragère, du taux de chargement ou encore du taux de productivité numérique (article R. 314-116 du Code de l’énergie).

Quand est-ce que le revenu de la production agricole est considéré comme durable ?

Pour les agriculteurs déjà actifs, le revenu serait durable si la moyenne des revenus avant l’implantation de l’installation agrivoltaïque se maintient ou augmente après ladite implantation.

Pour les nouveaux agriculteurs, il serait procédé par comparaison avec les « résultats » observés pour d’autres exploitations du même type localement (article R. 314-117 du Code de l’énergie).

Zoom sur les services à rendre (au moins un service doit être rendu et aucun ne doit être compromis) :

  • Amélioration du potentiel et impact agronomique : amélioration des qualités agronomiques du sol et augmentation du rendement de la production agricole ou, à défaut, maintien voire réduction d’une baisse tendancielle observée au niveau local. Compte tenu de la rédaction du texte, les deux critères (qualité + quantité) semblent cumulatifs. Cas particulier : la remise en activité d’un terrain agricole inexploité depuis plus de 5 ans peut être considérée comme satisfaisant ce type de service (article R. 314-110 du Code de l’énergie).
  • Adaptation au changement climatique : limitation des effets néfastes du changement climatique, débouchant sur une augmentation du rendement (et à défaut son maintien ou la réduction d’une baisse tendancielle) ou sur une amélioration de la qualité de la production agricole. Compte tenu de la rédaction du texte, les deux critères ne seraient pas cumulatifs (article R. 314-111 du Code de l’énergie).
  • Protection contre les aléas : protection apportée par les modules photovoltaïques contre une forme d’aléa météorologique (article R. 314-112 du Code de l’énergie).
  • Amélioration du bien-être animal : amélioration du confort thermique des animaux via une diminution des températures dans les espaces accessibles aux animaux à l’abri des modules photovoltaïques et l’apport de services ou de structures améliorant les conditions de vie des animaux (article R. 314-113 du Code de l’énergie).

Les installations photovoltaïques compatibles avec une activité agricole

Ces installations concernent les ouvrages compatibles avec l’activité agricole, mais n’entrant pas dans la définition de l’agrivoltaïsme au sens où elles ne sont pas considérées comme nécessaires à l’activité agricole.

Elles ne peuvent être implantées que sur des surfaces identifiées dans un document-cadre (article L. 111-29 du Code de l’urbanisme).

Le document-cadre : de quoi s’agit-il ?

Le document-cadre est pris par un arrêté préfectoral sur proposition de la Chambre d’agriculture, qui disposerait d’un délai de 9 mois selon le décret pour élaborer et transmettre son projet, et après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), des organisations professionnelles et des collectivités territoriales concernées (article 8, II du décret n° 2024-318 du 8 avril 2024).

Il est révisé au plus tard tous les 5 ans dans les mêmes conditions (article R. 111-62 du Code de l’urbanisme).

Aucun ouvrage de production d’électricité à partir de l’énergie solaire, hors installations agrivoltaïques, ne pourra être implanté sur des surfaces agricoles et forestières en dehors de celles identifiées dans le document-cadre.

Les surfaces devant être identifiées dans le document-cadre sont :

(a) les sols réputés incultes, que le décret définit comme des terres à vocation naturelle, agricole, pastorale ou forestière et répondant au moins à une des conditions qu’il liste :

  • l’exploitation agricole ou pastorale y est impossible au regard du territoire environnant en raison de ses caractéristiques topographiques, pédologiques et climatiques ou à la suite d’une décision administrative. Ce point peut notamment être apprécié au vu d’un indice pédologique départemental
  • le site est situé sur un terrain forestier – sauf exceptions (article R. 111-56 du Code de l’urbanisme)

(b) les sols non exploités depuis au moins 10 ans (article R. 111-57 du Code de l’urbanisme).

Certains sites seront réputés propices aux projets photovoltaïques au sol et devront automatiquement figurer dans le document-cadre, sans préjudice des conditions précitées. Ces sites sont notamment :

  • les surfaces en zone agricole non exploitées et situées à moins de 100 m d’un bâtiment d’une exploitation agricole ;
  • les sites pollués et friches industrielles ;
  • les anciennes carrières, sauf lorsque la remise en état agricole ou forestière a été prescrite, ou les carrière en activité dont la durée de concession restante est supérieure à 25 ans ;
  • les anciennes carrières avec prescription de remise en état agricole ou forestière datant de plus de 10 ans mais dont la réalisation est inefficace en dépit du respect des prescriptions de cessation d'activité,
  • les plans d’eau, les anciens aérodromes, les terrains militaires faisant l’objet d’une pollution pyrotechnique ;
  • les sites situés dans un secteur effectivement délimité en tant que zone favorable à l’implantation de panneaux photovoltaïques dans le plan local d’urbanisme de la commune ou de l’intercommunalité (article R. 111-58 du Code de l’urbanisme).

Avis simple ou conforme de la CDPENAF ?

Tout projet d’installation sur une surface identifiée dans un document-cadre bénéficiera d’un avis simple de la CDPENAF (article L. 111-29 du Code de l’urbanisme).

En revanche, tout projet d’agrivoltaïsme, de même que tout projet d’installation solaire sur un espace naturel sans vocation agricole, pastorale ou forestière, sera soumis à un avis conforme de la CDPENAF (article L. 111-31 du Code de l’urbanisme).

Date d’application du décret ?

Les dispositions du décret s’appliquent aux installations agrivoltaïques dont la demande de permis ou la déclaration préalable aura été déposée un mois après la publication du décret, et aux installations agri-compatibles dont cette même demande aura été déposée un mois après la publication du document-cadre (article 8, I, 1° et 2° du décret n° 2024-318 du 8 avril 2024).

Notre expert se fera un plaisir de répondre à toutes vos questions :

Bénedicte Simonneau